Cérémonie du 11 novembre 2024
Soyons vigilants
Qui y prend garde ?
Pas les élèves, plus vraiment les personnels habitués, au mieux quelques visiteurs occasionnels plus curieux…
Pourtant, cette stèle silencieuse littéralement intégrée aux murs de l’établissement, rappelle une histoire singulière.
Que la souffrance fut dans les murs de la cité scolaire.
Dès l’été 14, arrivèrent en masse les blessés du front. Le lieu d’études se mua en hôpital militaire et d’autres cris étouffèrent ceux de l’insouciance. Alors la noire réalité s’insinua jusque dans ce sanctuaire, en même temps qu’elle obscurcissait l’avenir de ses étudiants.
Car la guerre allait durer, sans faillir.
Méthodique, la faucheuse fit son œuvre.
Stoppés nets dans leur élan de vie, ces étudiants allaient paradoxalement accéder à l’éternité lorsque leur nom fut gravé sur la stèle des « morts au champs d’honneur ».
Et chaque année, les drapeaux s’inclinent à leur mémoire. Et chaque année un hommage leur est rendu.
L’occasion de rendre la parole à ces morts…
Dhélia, Margot, Cassandre, Guilhem et Colombe leur ont prêté leur voix ce mardi 12 novembre 2024 afin qu’ils s’expriment devant les générations des temps de Paix, unies dans un silence recueilli.
« La guerre est hideuse mais aussi coupable est l’amnésie des hommes ».
Car « la Der des Ders » ne fut qu’un Armistice de 20 ans à l’issue duquel se déchaîna à nouveau la furie, le feu. De nouveau il fallut porter en terre tant de jeunes et ajouter une plaque à cette stèle, puis une autre en 1962…
Du passé, nos fantômes ont surgi nous implorant de prendre garde :
« Rien n’est jamais acquis à l’Homme, et certainement pas la Paix ».
De l’Ukraine au Proche-Orient en passant par l’Afrique subsaharienne, des territoires s’embrasent et les massacres se multiplient ; des régimes autoritaires se mettent en place et se renforcent. Dans une indifférence quasi-générale, Peuples et minorités sont muselés, réprimés.
Les nouvelles du monde ne sont guère réjouissantes et le relatif éloignement du bruit des bottes semble nous protéger. Pourtant, si l’on tend bien l’oreille, on peut déjà entendre le ver grignoter la chair de la pomme...
Les maux qui s’insinuent en Occident sont particulièrement sournois. Ils se combinent dans une équation chimique pourtant bien connue.
D’un côté, il y a la peur. Peur de l’avenir, de l’Autre, de la mondialisation, de la décadence… en somme d’un lendemain devenu incertain.
De l’autre, il y a la frustration ; sentiment si mal vécu dans nos sociétés de la performance et de l’individualisme. Au nom du droit à l’épanouissement érigé en dogme, parfois au mépris de l’altérité, l’élimination de tous les obstacles, y compris de « coupables » faciles, devient chose admise.
La combinaison de ces deux substances parfois sciemment réchauffées par des apprenti-sorciers, produit une réaction maléfique que sont les sentiments irrationnels de haine et de rancœur. Ces derniers agissent comme un carburant au service d’idéaux présentés comme des remèdes… hélas bien plus dangereux que les maux eux-mêmes.
Le repli sur soi, le nationalisme, la xénophobie ont à de multiples reprises dans l’histoire prouvé leurs effets funestes.
La boîte de Pandore semble être ouverte. Les vieilles démocraties alliées vacillent doucement mais sûrement. Des dirigeants décomplexés, pourtant élus, bafouent le concept d’ « Etat de Droit » et instaurent d’inquiétants régimes illibéraux.
Prenons garde et entendons le message des fantômes du passé. Ils sont venus déchirer le voile confortable de nos certitudes pour nous délivrer cette leçon d’histoire :
« Non, rien n’est jamais acquis, ni la Paix, ni nos valeurs, ni la démocratie.
L’Histoire balbutie et vous met à l’épreuve de votre intelligence, de votre Raison.
Jeunesse, garde-toi de la facilité, sache nous entendre et cultive ton esprit critique.
Il est toujours terrible, plutôt que de s’en souvenir, d’avoir à en faire l’expérience pour conclure à cet adage :
Maudite soit la guerre ».